L'or des primitifs

Dans l'imaginaire collectif, par exemple dans beaucoup de films, on retrouve un thème assez récurent : l'or des primitifs, le héros va découvrir un temple secret, avec des statues de dieux payens en or. Ces images sont à mettre en relation, pour moi avec le thème de la seconde chute exposé par Mircea Eliade.

Dans le bon sauvage, Mircea Eliade explique l'engouement des scientifiques du 18ème siècle pour les primitifs par une certaine nostalgie des origines, comme si une "chute" s'était opérée entre l'homme primitif, qui nous fascine, et l'homme moderne, à qui il manque quelquechose. Cela explique pourquoi la plupart des scientifiques n'étaient pas réellement choqués par le canibalisme, dans le fond il savaient que ce genre de pratiques étaient inhérentes à l'homme mais perdues pour l'homme moderne.

Avant d'expliquer le rapport entre ceci et l'or, il faut d'abord expliquer un peu le symbole alchimique (psychologique) de l'or. Un des éléments fondateurs de l'alchimie est la croyance en la maturation des métaux : au départ les métaux sont impurs (le fer, etc.) puis, à l'intérieur de la terre (vue ici comme une matrice, une mère), il évoluent et se transforment en métaux de plus en plus purs, pour arriver enfin au stade final, le métal le plus pur, le métal parfait, l'or. Cette croyance ne s'est pas éteinte il y a longtemps : Newton (qui contrairement à ce qu'on croit passait bien plus de temps à étudier l'alchimie que la physique) croyait en effet dur comme fer à la maturation des métaux.

Un des buts de l'alchimie était de trouver des moyens d'accélerer le temps, de faire en sorte que les métaux mûrissent plus vite et que l'on puisse obtenir de l'or. C'est l'élément apporté par Mircea Eliade dans Forgerons et Alchimistes. Dans Psychologie et Alchimie, Jung apporte un aspect psychologique à l'alchimie en rapprochant le processus alchimique du processus d'individuation, mais que l'alchimiste projette sur la matière. Ce processus passe par plusieurs stades, pour finalement arriver à l'or. On peut cependant modérer ces propos par le fait que l'or recherché par les alchimistes, contrairement aux conceptions 'chimistes' de l'alchimie, n'est pas l'or du vulgaire. L'or, du point de vue de la psychologie de l'alchimie, représente l'homme complet, passé par les différents stades de l'évolution de la conscience, l'homme parfait. On pourrait presque dire l'homme d'avant la chute (du paradis).

Cela rejoint donc le thème de la chute, comme l'engouement des scientifiques, et des civilisés en général pour les primitifs. La recherche de l'or des primitifs, dans les temples piégés des civilisations englouties représente pour moi cette recherche de la complétude de l'homme, aujourd'hui perdue, mais qui reste encore présente chez les primitifs.